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Par Liliane Janvier 2025

AVIGNON AVANT LES PAPES - Chapitre 1
LE TEMPS DES FRANCS & DES BARBARES - III au IVème siècle
Avignon existait bien avant les papes et sa renommée ne les avait pas attendus. Mais elle n'a pas échappé aux périodes extraordinairement troublées et violentes qui se sont succédé durant tout le haut Moyen Age, et elle leur a survécu parfois de justesse.
A l’époque gallo-romaine, Avignon est fortifiée, enrichie de monuments : forum, temple, curie, bains, reliée aux autres grandes villes par la Via Agrippa et surtout par le Rhône, voie de commerce essentielle. Mais la chute de l’Empire romain submergé en 259-260 par la confédération germanique des Alamans, précipite le déclin inexorable de la cité. A la fin du IIIème siècle, si le roi Chrocus évoqué par Grégoire de Tours n’a pas une existence réelle attestée, il représente bien la terreur inspirée par les chefs barbares aux populations victimes de leurs exactions. Saint Amatius d’Avignon mentionne onze prêtres assassinés par des pillards

JM Gassend et P. de Michèle - Vue d’Avignon (Avenio) à l’époque gallo-romaine
Du fait de sa situation, la cité subit toutes les vagues « d’invasions barbares » qui vont suivre : ces termes péjoratifs sont actuellement remplacés par celui « d’incursions » ou « d’infiltrations progressives » étalés sur deux siècles, de 375 avec les Huns, jusqu’en 570 avec les Lombards. Il n’en reste pas moins que Francs, Alamans, Vandales, Goths, Burgondes ne se sont pas privés de piller Avignon à maintes reprises. Les populations tentent de se protéger en s'abritant sur les hauteurs ou dans des grottes, et à Avignon l’oppidum romain du Rocher des Doms, comprenant un castrum, retrouve son rôle de refuge essentiel pour les habitants.
Flavius Honorius est couronné empereur d’Occident en 395 et Avignon devient la ville principale d’une civitas (région) dépendant de la province de Vienne. La ville christianisée aux alentours de l’an 400 comprend dès lors une petite communauté chrétienne. Le premier prêtre connu est Rufus, autrement dit le futur saint Ruf, et le premier évêque connu est Nectarius (saint Nectaire) de 439 à 45, qui s’établit près de la basilique alors édifiée à l’emplacement actuel de Notre Dame des Doms. Une autre basilique est construite à l’emplacement de la future abbaye romane de saint Ruf «au-delà des nécropoles païennes qui s’étendaient au sud d’Avignon, sur les grandes voies qui se dirigeaient vers la Durance».

Sarcophage représentant le Christ et un apôtre, près de la Vice-Gérence V-VIème siècle - Photo G. Brizay
L'Eglise va devenir un élément de stabilité dans une époque extrêmement troublée : l'évêque devient un personnage majeur de la cité dont le rôle est de plus en plus temporel et politique, en tant que defensor ciuitatis auprès du pouvoir impérial comme des chefs barbares. Il négocie avec eux ou organise la résistance, tout en étant également un administrateur qui perpétue les traditions de droit romain. Le droit romain comprend le droit écrit et non écrit, avec une attention particulière accordée à la précision du langage, rassemblant les concepts juridiques tels que la législation des assemblées, les résolutions du sénat, les décrets des empereurs, les édits des préteurs, les écrits des jurisconsultes.
Une multitude d’églises et chapelles rurales sont édifiées au cours du Vème siècle.

En foncé, l'enceinte gallo-romaine

Corpus Juris Civilis
Cependant Avignon n’occupe plus qu’un septième de son ancienne emprise. Elle est fortifiée par une enceinte réduite autour du Rocher des Doms, à l’intérieur de laquelle se réfugie toujours la population, décimée par les massacres et les épidémies, en cas d’alerte.
Au début de l’an 500, les Burgondes sont les premiers à s’installer autour d’Avignon qui devient une citadelle importante du royaume burgonde. Gondebaud, alors roi des Burgondes en guerre contre Clovis, roi des Francs, s’enferme à Avignon. Clovis ne parvient pas à prendre la ville mais dévaste les alentours, et Gondebaud fait appel à Rome pour le secourir.

Roger Ferrier - Représentation
de Gondebaud, Genève

Alaric roi des Wisigoths
Chroniques de Nuremberg
Avignon passe ensuite sous le contrôle d’Alaric II, roi des Wisigoths, de 500 à 507. Chassés par Clovis, ils sont remplacés par les Ostrogoths. Puis les Burgondes et les Ostrogoths se disputent à plusieurs reprises la Provence et Avignon, qui est cédée en 537 à Clotaire Ier, roi des Mérovingiens, issus de l’aristocratie franque.
La « cité-forteresse » tellement convoitée reste cependant un centre intellectuel et littéraire réputé : un prêtre de Paris, l’abbé Domnole, refuse en l'an 550 l’évêché d'Avignon car il redoute la fréquentation des "sénateurs sophistes et des magistrats philosophes qui le fatigueraient".

La ville est finalement rattachée en 561 au royaume franc de Burgondie, future Bourgogne, jusqu'à la deuxième moitié du VIII° siècle. Mais le temps des pillages et des ravages n’est pas terminé : les mercenaires Lombards du roi Alboïn la mettent à sac à plusieurs reprises. On creuse alors des fossés garnis de pièges pour se protéger. Au cours du siège de 586, le duc franc Gontran Boson, au service des rois mérovingiens, est vainqueur et s’empare de 5000 kg d’argent et 600 kg d’or entreposé dans la cité ; trésor qui sera retrouvé, enfoui sous terre, par les hommes au service du roi Childebert.
Alboïn roi des Lombards - Chroniques de Nuremberg
Avennio

En 590, une terrible épidémie de peste dite « inguinaire » ou « glandulaire » atteint Avignon depuis Marseille et tue le tiers des habitants. Les deux siècles suivants ne sont qu’une série d’occupations violentes et de massacres tant par les Francs que par les Sarrasins arrivés d’Espagne. La ville est toute entière regroupée sur le Rocher des Doms.
A suivre...
Bonus : quelques prénoms féminins de l’époque,
particulièrement mélodieux à nos oreilles :
Eiglenracle, Eustère, Cunégonde, Vuldetrade, Clodoswinthe, Theudicote, Albswinthe, Ragnachilde, Téodegonde, Gondioque, Chunsine, Frédégonde…
Bibliographie
Histoire d’Avignon – Ouvrage collectif - Editions Edisud
Philippe Jansen - Avignon au Moyen Age, textes & documents - Aubanel 1988