Le Rocher des Doms - 1


Le rocher des Doms, qui surplombe le Rhône du haut de 30 mètres de falaise abrupte, fut occupé dès le néolithique. Les fouilles effectuées sous la direction de Sylvain Gagnière révélèrent en 1961 une stèle anthropomorphe de 20 cm : le visage est gravé de manière très stylisée et elle porte une représentation solaire jamais découverte ailleurs. Ont été également exhumés deux haches polies en roche verte, des objets de parures chalcolithiques (âge du cuivre, vers 3300 avant JC) et des tessons de poterie.
Un castrum est édifié à l’époque romaine. La population se réfugie sur le rocher lors de l’incursion des Sarrasins en 737. Au XIe siècle on y trouve la maison du comte, puis celle du vicomte, puis celle de la commune.

Au XVIIème siècle l’ensemble est appelé Fort Saint-Martin. Il est transformé en poudrière qui, touchée par la foudre un soir d’orage, explose en provoquant d’énormes dégâts au Petit Palais et aux maisons avoisinantes.
D’après un contemporain, M. des Commiers : « Cela fit un tel ravage qu'il semblât que tout le monde brûlât. Quatre soldats italiens qui étaient de garde sentirent plus que les autres cet impitoyable embrasement ; car l'un d'eux fut emporté en l'air tout en feu, et la tête demeura sur place, et les trois autres furent écartelés et mis en pièces et emportés tous trois dans une barque sur le Rhône... Après, il chût sur l'église Sainte-Anne, brûla la couverture, rompit les fenêtres, cassa et brisa les vitres, emporta un prêtre, lequel était couché et le porta bien loin, lui et son lit… De plus le feu cruel passa tout ru à travers ma chambre et porta la porte de ma boutique

chez M. Robé: ledit foudre cassa quantité de pots et de phioles de verre, bref, tout le monde croyait être perdu... Il n'y eut environ que deux cents personnes tuées, mais s'il fut chu de jour, il y en aurait eu beaucoup davantage».
Il ne reste plus alors sur le Rocher qu’une croix couverte et des moulins à vent.

Croix couverte et moulins à vent - Plan aquarellé XVIIIème siècle - Archives municipales

Deux carrières de pierre sont exploitées pour la construction de bâtiments et de fours à chaux. Peu à peu, le rocher devient un lieu de promenade d’où l’on peut prendre « le bon air » et admirer la vue sur le fleuve et le fort saint André d’un côté, et le Mont Ventoux de l’autre. En 1754, on construit des rampes pour faciliter la montée depuis la place du Palais. On ignore l’époque de la construction de l'escalier, mais il est entièrement reconstruit sous la conduite de Péru en 1767.
En 1791, on y établit un cimetière pour les victimes des inondations. En 1792, les drapeaux républicains sont bénis au cours d’une grande cérémonie. La très ancienne chapelle sainte Marthe est démolie ; les escaliers qui contournent le palais des Papes en garde le souvenir.
«Le 10 août 1793, l'an II de la République française une et indivisible on a fait dans cette ville la fête de la réunion de la République sur le Rocher des Doms. Il y avait l‘autel de la patrie, il y avait sept régiments de notre légion nationale... Il y avait les deux commissaires appelés Rouvière et Bezièrre et le représentant du peuple appelé Poultier. Il y avait la municipalité et les notables, le district, les juges de paix et le Comité de Salut public. Etant devant la Mère de la patrie, le représentant du peuple a fait un beau discours et nous a fait voir qu‘on voulait sauver le peuple et que dans quelques jours, la patrie ne serait plus en danger. Il nous a annoncé que la Convention Nationale nous avait décrété département.»
Jusqu’en 1816 le rocher devient aussi un lieu d‘exécution : celle du marquis de Lestang, «âme du complot royaliste dans le Midi », mais aussi de voleurs et assassins.
A partir de 1830, on commence à dresser des plans d’aménagement. Le docteur Paul Pamard, maire de la ville, se rend à Paris pour rencontrer M. Alphand, ingénieur en chef des promenades et jardins publics de la ville de Paris, qui approuve les plans dressés par M. Pascal, l’ingénieur et architecte d'Avignon.
Un célèbre paysagiste de Paris, Jean-Pierre Barillet Deschamps réalise un "Plan projeté d'un square à établir sur le plateau de la montagne du palais des Papes". Pour cela, il va gommer de façon radicale les caractères anciens du lieu, ce qui provoquera de sévères critiques des Avignonnais redoutant, entre autres, que le mistral déracine les plantations.

Plan-projet de 1838
Un des ateliers de charité créés pour remédier à la crise économique de 1831 est affecté aux travaux du rocher : un piqueur y est payé 1 franc par jour, un ouvrier 0,80 F, un enfant de 12 à 15 ans 0,50 F, un enfant de 15 à 18 ans 0,60 F, un maçon 1,50 F. Au cours des fouilles entreprises en 1846 pour établir les plus hautes marches de l’escalier, parmi d’autres artefacts il est trouvé une médaille de bronze représentant Néron.
Des mètres cubes de terre végétale fournie par la vase qui comblait les anciens fossés des remparts entre saint Lazare et Limbert sont apportés, un puits et une pompe à vapeur installés au pied de l’escalier sainte Anne pour l’arrosage à la place des tonneaux utilisés jusque là. En mai 1847, il avait fallu transporter 83 tonneaux de 500 litres d’eau par des charrettes pour hydrater les plantes. Les collections de l'ancien Jardin des Plantes de Monclar vendu à la Compagnie de Chemin de Fer en 1863 sont mises à contribution.

Fontaine au cygne
réalisée dans les ateliers
de Louis Gasne dans la Meuse.

Paul Vayson

Félix Gras

Paul Saïn
Deux réservoirs alimentent bassins et fontaines, on installe des statues : Paul Saïn et Paul Vayson par Charpentier. Celle de Félix Gras par son fils Jean-Pierre est exécutée en 1905.
La «Vénus aux Hirondelles» de Charpentier déplacée depuis la place Carnot où sa nudité avait tant choqué le voisinage, se retrouve à l’aise au milieu du bassin en compagnie de canards et de cygnes.



On fait appel à M. Combaz, entrepreneur parisien, pour la réalisation d'une grotte en rocaille destinée à dissimuler l’un des réservoirs, aujourd’hui désaffecté.
En 1847 est inaugurée la statue par Jean-Louis Brian de Hoyhannès Althounian, dit Jean Althen, 1709-1774, agronome arménien réfugié en France, qui développa la culture de la garance et fit, pour un temps, la fortune de la région ; détruite par les troupes allemandes pendant la dernière guerre, elle a été remplacée en 1998 grâce à la contribution d’Avignonnais originaires d‘Arménie.




Jean Althen
On aménage les voies d'accès : Montée des Moulins, Montée Notre-Dame, Montée des Canons et Escaliers de Sainte-Anne. Le dernier moulin à vent disparaît en 1840, le télégraphe Chappe élevé vers 1830 est abattu en 1853, le cimetière est transféré.

Plan du jardin de 1860

Grilles de l'entrée des jardins

Escaliers sainte Anne

Montée Notre-Dame donnant sur le Rhône
Les premiers travaux d'aménagement du jardin s'achèvent en 1866.
Le Rocher des Doms, depuis toujours considéré comme un lieu "sauvage", s'est métamorphosé en un jardin public d'une superficie de plus de 30 000 m², "belvédère charmant, une promenade gracieuse que les voitures mêmes peuvent parcourir avec facilité; des rampes en spirales, bordées de gazons et surmontées d'arbres toujours verts, ont été pratiquées sur les flancs que les piétons peuvent sillonner en tous sens. D'un plateau stérile l'on a créé comme par enchantement un magnifique "parc aérien" selon un journal de l'époque.
Le 11 novembre 1924, est inauguré le monument aux morts, destiné à compléter le mausolée du cimetière Saint-Véran ainsi que les plaques en marbre portant l'inscription des 1073 morts d'Avignon apposée dans le hall de l'Hôtel de Ville.
Le projet d’inspiration Art Déco proposé pour le concours national par le sculpteur Louis Botinelly est adopté. Une figure féminine en marbre de Carrare, allégorie du Souvenir, est encadrée de deux bas-reliefs symbolisant l'Enterrement d'un Poilu par ses frères d'armes et Vers la Victoire. Au dos, une femme agenouillée devant un soldat mort représente la Douleur.





Jeanne d'Arc
Une effigie de Jeanne d’Arc a été offerte en 1997 par l’association du Millénaire capétien, inaugurée par le Comte de Paris. La statue, mutilée, qui se trouvait auparavant sur la façade d’une maison particulière, n’est cependant pas faite pour être vue de plain-pied.
Un cadran solaire analemmatique est créé en 1931 par l’ingénieur Georges Bonnet. Il est constitué au sol d’une dalle du zodiaque et d'une ellipse composée de gros blocs représentant les heures, et de petits blocs représentant les demi-heures. En se positionnant à l'endroit correspondant au jour de l'année, l’ombre projetée sur les plots indique l'heure solaire du moment.

Cadran analemmatique

Dans les années 1960, une grande esplanade avec une table d'orientation est aménagée, dissimulant les nouveaux réservoirs et offrant un panorama exceptionnel.Le réservoir du «Trou de la Sanguine » est converti en espace de réception.




La Porte du Rocher a été percée en 1974 dans le rempart entre le Rocher des Doms et le Châtelet du Pont Saint Bénézet.
Le Clos de la Vigne du Palais des Papes surplombe la ville et le Rhône. Propriété d’Avignon, la vigne est entretenue par les Compagnons des Côtes du Rhône depuis la plantation des premières souches en 1997.
C’est la seule vigne en AOC intra-muros, et avec vue, de France, classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. 540 pieds de vigne vendangés à la main produisent 12 cépages de Côtes du Rhône pour 150 bouteilles, soit 20 hectolitres par hectare.


Le Jardin des Doms, classé depuis 1933, est un lieu très apprécié de promenade et de détente, doté de jeux pour enfants et de petits chevaux de bois.
Il va faire l’objet « d’une restauration importante dans le respect de son intégrité historique et patrimoniale afin de recréer un lieu fonctionnel, adapté aux usages modernes » (Magazine avignon(s) de mai 2021).
En effet, la masse de terre apportée sur la roche s’est tassée au fil du temps, les arbres sont fatigués, les allées abîmées, les ferronneries rouillées… Tout cela va être revu afin « de retrouver l’esprit des lieux, grâce à une gestion écologique attentive aux sols et au patrimoine vivant du Rocher des Doms ».
Le jardin des Doms au fil des saisons




Le Rocher des Doms
Aimez-vous la fraîcheur, l’ombrage, la verdure,
L’haleine du zéphyr, le murmure des eaux,
Les petits coins bravant la bise et la froidure,
Et le parfum des fleurs et le chant des oiseaux ?
Montez ! Douce est la rampe et riche la bordure :
Voici le pin sonore aux mobiles réseaux,
La pelouse évoquant les pas d’Alcimadure,
Et le chêne superbe et les frêles roseaux
A vos pieds, le bassin où les cygnes fidèles
Assiègent la Vénus aux folles hirondelles
Qui se pâment d’ivresse en face du Persan ;
Et par-delà le fleuve aux ondes pacifiques,
Là-bas, chalets, coteaux et lointains magnifiques
Souriant aux baisers d’un ciel éblouissant.
Ernest Feuillet – Les Cent Sonnets - 1913
Bibliographie
Sylvain Gagniere – Histoire d’Avignon
Sitographie
https://docplayer.fr/107123487-En-vaucluse-des-parcs-et-jardins-sur-les-chemins-de-vos-vacances-
rejoignez-l-association-des-amis-de-saint-hilaire-page1.html
http://webiane.canalblog.com/archives/2005/06/15/574170.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rocher_des_Doms
https://www.avignon-et-provence.com/sites-naturels/rocher-doms-avignon
https://compagnonscotesdurhone.fr/le-clos-de-la-vigne-du-palais-des-papes