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Par Philippe, Décembre 2025
Les cafés d’Avignon

Les débuts : des cafés de notables (XVIIIe – début XIXe siècle)
L’histoire d’Avignon ne s’écrit pas uniquement dans la pierre du Palais des Papes. Elle se raconte aussi autour des comptoirs, dans les cafés et bistrots qui ont façonné la sociabilité urbaine depuis le XVIIIe siècle. Espaces de lecture, de débat, de marchés prolongés et de loisirs populaires, ces établissements forment un patrimoine social et culturel à part entière. Certains ont disparu, d’autres ont survécu ou se sont transformés. Tous témoignent d’une histoire populaire souvent oubliée, mais essentielle à la compréhension de l’âme avignonnaise.
Introduit en Provence via Marseille en 1644, le café se diffuse peu à peu dans les villes du Comtat Venaissin. À Avignon, encore possession pontificale jusqu’en 1791, les premiers cafés apparaissent dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. Ils s’installent dans le centre ancien, près des lieux de pouvoir et de commerce. Ces établissements sont fréquentés par des notables, des officiers, des hommes de loi et des voyageurs. On y lit la presse, on y échange les nouvelles et on y discute politique.
De nombreux débits de boissons, tavernes et auberges existaient bien sûr auparavant !
On trouve dans une bulle de 1385 la trace d’une taverne de l’Amourié (Armorier), rue de la Vielle Triperie, actuelle rue de la Lanterne.
Et on sait que les rues des Trois Colombes, des Trois Faucons, du Chapeau Rouge, tirent leurs noms d’enseignes d’auberges ou tavernes qui y étaient situées.
Rue du Chapeau Rouge une auberge est mentionnée dans des actes de 1448 où figurait un chapeau de cardinal côtoyant une lamproie.
Ces établissements étaient fréquentés par les classes populaires à la différence des premiers cafés, fréquentés par l'élite bourgeoise et aristocratique. C'est progressivement, au cours du XIX° siècle que le café s'est démocratisé et a gagné les débits de boissons alcoolisées. Avec bien sûr des catégories d'établissements différentes selon les quartiers et leur population !
Et le plus ancien café d’Avignon ? Le Grand Café Barretta : situé place Saint-Didier, il est mentionné dans les annuaires du XIXème siècle et revendique une origine en 1773. Lieu de rencontre de voyageurs, officiers et artistes, il demeure une institution avignonnaise.
Il a réouvert sous sa forme et son nom actuels en 2018

On en trouve de nombreuses traces dans la presse locale du XIXème et du début XXème siècle.

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Et les autres ? On peut citer le café du Jeu de Paume, rue Bancasse ou le café Boudin, rue Saint-Marc, disparue lors du percement de la rue de la République, ou encore le café Henri IV place du Change




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L’âge d’or des cafés avignonnais (1850–1914)
Le XIXe siècle marque l’apogée des cafés d’Avignon. Avec le chemin de fer et le dynamisme économique, les établissements se multiplient. On compte plusieurs dizaines de cafés dans la ville intra-muros : des cafés bourgeois rue de la République, des cafés commerçants place Pie, des cafés ouvriers près des Halles et du port fluvial sur le Rhône.
Jeux, journaux et conversations : les cafés du XIXe siècle sont à la fois des lieux de loisirs et de débats. On y lit la presse locale, on y joue aux cartes, on y organise des réunions politiques et des soirées musicales. Ces espaces participent à la diffusion d’une culture urbaine et populaire.

Cet article de "La Semaine Mondaine" du 11 Mai 1898 consacré au Grand Café des Négociants décrit parfaitement le rôle de ces établissements dans la vie sociale.
"Eh bien, le rôle du « café » dans la vie contemporaine menace de s’élargir encore, dans le cas où, comme en Avignon, on suivrait l’exemple du Grand Café des Négociants. Ce café progressiste et précurseur, admirablement dirigé par MM. Émile Étienne et Henri Brun, est devenu le véritable « centralisateur de la décentralisation », si je puis ainsi m’exprimer. Autour du fin moka, gravitent les liqueurs de marque et la bière exquise (bière Pousset et bière Tourtel). La table y est toujours mise et ses déjeuners et dîners soignés sont connus de l’élite du monde commercial, ubi. et orbi, qui se donne rendez-vous au Café des Négociants. Mais ce mot « centralisateur de la décentralisation » ne s’applique pas seulement à la variété des choses que l’on trouve dans cet établissement ; il n’est pas uniquement applicable aux consommations, au restaurant, au téléphone, à l’éclairage électrique, aux journaux, Bottin, Annuaire de l’armée, aux dépêches qui, chaque jour, renseignent le consommateur sur les événements du monde entier. Par la diversité de sa clientèle, le Grand Café des Négociants mérite aussi cette dénomination. Le commerçant, les courtiers, les négociants, l’armée, les grands propriétaires fonciers, les financiers les plus distingués, les auteurs y coudoient les hommes politiques de toutes couleurs et de tout acabit. Certes, l’affabilité de MM. Etienne et Brun est pour beaucoup dans l’accroissement constant du nombre des consommateurs, dans cette imposante bigarrure de clients ; mais il est incontestable aussi que l’admirable situation du Grand Café des Négociants contribue quelque peu à son état florissant. La rue de la République n’est-elle pas devenue le plus grand facteur de la vie locale ? A chaque heure du jour, tout Avignon ne défile-t-il pas devant le Café des Négociants ? Et c’est ainsi que tout en déjeunant ou tout en sirotant son vermouth, son absinthe ou son mazagran, le consommateur, content d'être si bien, irréprochablement servi, promptement renseigné sur la destinée des empires et des républiques ou sur les affaires commerciales, heureux de converser avec des amis, assiste, en même temps, à un véritable spectacle cinématographique : celui de la rue qui n’est ni sans charmes, ni sans saveur, ni sans intérêt. Pour tout ce qui précède, scrupuleusement exact, on peut appeler le Grand Café des Négociants le maître Jacques de la civilisation avignonnaise."
Les journaux mentionnent régulièrement ces réunions, qui faisaient du café un véritable forum civique.


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Cafés et quartiers : un maillage social
Chaque quartier d’Avignon possède ses cafés identitaires : Place Pie et les Halles pour les commerçants et travailleurs, Place de l'Horloge et Rue de la République pour les bourgeois, Carmes pour les cafés associatifs, Port fluvial et Balance pour les mariniers et ouvriers, Rue des Teinturiers pour les cafés musicaux et festifs. Ces établissements structurent la vie quotidienne et forment un réseau de sociabilité populaire.
Place de l'Horloge ou place de l'Hôtel de Ville
Depuis son origine en forum d’Avennio, elle a toujours un rôle central de rassemblement et de divertissement








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Rue de la République et Cours Jean Jaurès
Après le percement de 1856 à 1867 vont se bâtir là les bâtiments les plus prestigieux de la belle époque et la plupart des grandes brasseries.



