Le culte marial, propre aux catholiques et aux orthodoxes, est la vénération portée à Marie en tant que mère du Christ. A Avignon comme partout, les églises possèdent déjà de multiples représentations de Marie : Annonciation, Vierge à l’Enfant, aux rayons, en prière, Notre-Dame aux diverses attributions, Pietà.
Avignon est une cité papale depuis que Clément V a été élu après que le trône pontifical est resté vacant une année à la suite du conflit entre le roi Philippe le Bel et la papauté. Ayant renoncé à se rendre à Rome déchirée par la guerre entre Guelfes et Gibelins, il se fait couronner à Lyon en 1305 et s’installe en Avignon. Six pontifes et deux anti-papes lui succèderont jusqu’en 1418.
Quand, au moment du schisme de la papauté, Clément VII, pape de 1378 à 1394, déclare Avignon « ville mariale », chacun, notable, bourgeois, artisan, boutiquier, va vouloir sa Madone qu'il place sur la façade de sa maison, dans une niche éclairée par une lanterne ou un lumignon, décorée avec plus ou moins de raffinement. Celles appartenant au quartier ou isle sont placées à l'angle de deux rues. On en recense plus de trois cents au XVIIème siècle, souvent en « pierre de Pernes ».

Rue de l' Aigarden
Notre Dame de la Figue

A la Révolution de nombreuses statues sont saccagées ou volées. D’autres continuent de disparaître lors de rénovations malheureuses…
Une opération de 1992 organisée par la Jeune Chambre économique, «les Oubliées d'Avignon», a permis de remplacer six absentes par des œuvres modernes. Le nettoyage de certaines se poursuit. Mais beaucoup sont abandonnées à leur triste sort, mutilées, craquelées, noircies, rongées… Nos objectifs sont tout d’abord de les recenser, avec l’espoir de pouvoir les restaurer et repeupler les niches désertées.
Voici toutes celles que nous avons photographiées au fil des rues. Levez les yeux, admirez-les, protégez-les si vous le pouvez, avec une pensée pour ceux qui les avaient placées là en désir de paix et nous les ont léguées.
Rue Théodore Aubanel
Toute modeste ou en majesté, la statue placée en façade
appartenait au propriétaire de la maison.
Rue d'Amphoux



Rue de la Banasterie


Rue Noël-Antoine Biret

Rue Folco de Baroncelli

Rue de la Bonneterie



Petit cadre en bas-relief disparu
Inscription : Voilà notre mère
Des Madones, des Pietà, des Notre-Dame,
Des Vierges à l’Enfant, aux rayons, en prière,
Entre deux fenêtres, deux volets, au-dessus d’une porte,
A l’angle de deux rues, sous un dais, sur un piédestal, dans une niche
Une niche aristocrate ou artisane,
Cernées de gouttières, de tuyaux et de fils électriques,
Couronnées ou voilées,
Des toutes petites et des très grandes, des souriantes et des tristes,
Des majestueuses et des modestes, des sculptées et des peintes,
Des très jolies et des lourdaudes, des anciennes et des nouvelles,
Des survivantes et des revenues, des mutilées et des intactes,
Des toutes sales et des toutes blanches,
Des lépreuses, couvertes de lichen,
Des presque cachées des grillagées
Des douloureuses et des sereines,
Des fines et des rondelettes,
Des victorieuses et des accablées ;
Des princières et des humbles…
Rue de la Bouquerie


L'Enfant Jésus manquait déjà, peut-être volé, mais en mai 2012 suite à la reconstruction de la maison c'est la niche toute entière qui a disparu.
Photo Alain Benoît.

Les statues habitent des niches qui, souvent, ne sont pas celles d'origine : trop grandes, non adaptées, d'époque différente. Nous n'avons que peu d'indications sur leur provenance, leur sculpteur et leurs tribulations.
Rue de la Carreterie



Place des Corps Saints

Rue de la Croix

Place des Carmes
Escalier sainte Anne


Rue des Etudes

Vestige du couvent saint Eutrope
Notre Dame de Bon Rencontre,
Priez pour nous
1766



Rue des Fourbisseurs
Rue de la Grande Fusterie



Place du Grand Paradis
Rue Félix Gras
Rue de la Grande Meuse
Marie conçue sans péché

Posuerunt me custodem


Rue Victor Hugo

Rue Luchet

Parmi les nombreux symboles attachés à la Vierge figure le lys, qui représente la pureté, la virginité, la douceur, la miséricorde.
De même la couleur bleue qui subsiste quelquefois derrière la statue est la couleur spirituelle choisie par analogie avec le ciel. C'était aussi la teinte la plus coûteuse et difficile à obtenir, issue du lapis-lazuli broyé, et pour cette raison réservée aux personnages sacrés, la Vierge en particulier.

Rue des Infirmières



Rue du Limas



Jumelle de celle qui est à l'angle des rues du Laboureur & Trois Faucons
Rue des Lices

La niche de la rue des Lices, ainsi que quelques autres, a conservé la hampe qui servait à suspendre une lampe. Certaines étaient accompagnées d'une niche plus petite où poser un lumignon.
Patricia, une Avignonnaise, se souvient de la fête des Lumières .
Je suis née en 1952, rue de la Banasterie en intra-muros d'Avignon.
Pendant toute mon enfance, les 8 décembre au soir, fête de l'Immaculée Conception, nous allumions des bougies dans des petits lumignons colorés (que nous appelions parfois lampions), les disposions sur le rebord des fenêtres autour d'une vierge en bois. Puis nous enfilions nos gros manteaux et, dans le froid rendu parfois redoutable par le mistral, nous partions mon frère et moi, accrochés aux mains de nos parents, faire le tour de toutes les rues du quartier pour admirer les installations similaires de nos voisins.
Quand le mistral était trop fort, c'était annulé, nous étions déçus !
Sur certaines fenêtres il y avait aussi une vierge, sur d'autres pas, sans doute en fonction du degré de croyance religieuse de chacun ; pour mes parents, à l'époque, la vierge représentait encore quelque chose d'important. Les privilégiés qui avaient une vierge sur leur façade la mettaient superbement en valeur.
Statue ou pas, beaucoup jouaient le jeu. Il y avait une sorte de sympathique compétition, c'était à qui ferait la plus belle décoration, garnirait le plus grand nombre de fenêtres, sortirait les plus beaux verres à bougies de toutes les couleurs.
Les rues étant étroites on voyait bien les différentes couleurs scintiller, c'était calme et joli.
Ces moments étaient très excitants pour nous, enfants. Se promener tard dans la nuit, partager une soirée avec nos parents, rencontrer d'autres familles sorties elles aussi le nez en l'air, guetter les lumières et être le premier à les repérer, voir chaque maison pourtant familière ressortir de façon si inhabituelle ...
Il n'y avait jamais personne aux fenêtres, finalement assez peu de gens dans les rues, cela rendait le parcours mystérieux, assez intime.
Puis la mairie a lancé à cette date du 8 décembre, non plus en tant que fête religieuse mais en tant que fête commerçante, un grand concours de vitrines. Les boutiques ont rivalisé d'ingéniosité. Il y a eu quelques années étonnantes, des montages extraordinaires pour l'époque, avec des automates, de la neige qui tombait, des bateaux traversant de vrais plans d'eau ...
Le concours, bien plus spectaculaire, a eu vite fait de détrôner les modestes illuminations privées ! Mon frère et ma sœur plus jeunes n'ont pas de souvenirs des lumignons. Les verres servent maintenant pour l’apéritif …
En 2011 je crois, la mairie a tenté de relancer un mouvement : don de bougies aux commerçants et invitation aux particuliers d'allumer des bougies sur leurs fenêtres.
Lyon a su garder la date, la laïciser en grande partie et l'amplifier considérablement.
J'avoue ne m'être plus rendue depuis longtemps le 8 décembre à la nuit dans les vieilles rues d'Avignon pour voir si subsisteraient encore quelques fidèles attachés à la vieille tradition, maintenant que j'y pense je vais peut-être le faire cette année !
Patricia Monier
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