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                                Par Liliane  Avril 2025

AVIGNON AVANT LES PAPES - Chapitre 3

De la Commune au roi… et au pape - XI au XIIIème siècle

     Au cours du XIème siècle, le comte de Provence réside dans le fort saint Martin, construit sur les bases de l'ancien castrum au sommet du Rocher des Doms et comprenant une grosse tour carrée et diverses bâtisses. En contrebas, l’évêque, nommé par le comte, fait édifier une chapelle qui deviendra Notre-Dame-des-Doms et il occupe le palais épiscopal (à l’emplacement d’une petite partie du futur Plais des Papes), entouré par les maisons des chanoines ; dans la ville basse on trouve les demeures des nobles et les maisons modestes des commerçants, artisans et maraîchers, ainsi que quelques églises. Les portes des remparts - porto aiguiero (de l’eau) et porto ferrouso (de fer) sont gardées par le guet.

 

Le Rhône coule sans entraves ni quais, se faufilant jusqu’au pied du rempart entre bancs de sable et îles – Maynargues, Argenton, Bois Auger, du Mouton, de la Flèche, de l’Estel…(qui réunies formeront Piot et la Barthelasse) souvent submergées. Le trafic sur le fleuve se fait par les barques des nautes qui déchargent sacs de sel de Camargue ou de bois (les « fustes » de la future rue de la Fusterie), et traversent jusqu’au rocailleux Mont Andaon, futur saint André, couronné par une abbaye fondée en 987.

Au XIIème siècle le commerce redevient florissant dans toute l'Europe occidentale et Avignon tire parti de sa situation sur la route entre l'Italie et l'Espagne, ainsi que du trafic fluvial. Les corporations d'artisans et de marchands se développent. Le vicomte, les petits nobles répartis en soixante-dix familles hérissent leurs maisons de tours et soutiennent activement la fondation ou la rénovation de nombreuses églises : saint Etienne, saint Agricol, saint Pierre, saint Geniès, saint Symphorien, saint Didier… Chevaliers et prud'hommes enrichis doivent admettre l'influence croissante des marchands, des changeurs, des hommes de loi. Les artisans se groupent par rues, les cultivateurs de céréales plus que de vignes viennent de la campagne sur les marchés. Des Juifs, des domestiques, des pauvres se mêlent à la population, estimée entre 6000 et 7000 habitants.

Tracé du pont saint Bénézet

Une double enceinte, en utilisant des éléments de vestiges romains, est bâtie. Les terres aux alentours sont drainées, les marais asséchés. La construction du pont saint Bénézet est entreprise en 1185. Le passage facilité avec le royaume de France augmente le flux de marchandises. Des bourgs se créent le long des routes.

Scènes de commerce - Enluminures XIIème siècle - Anonyme - BnF

L’animation est incessante : pèlerins et ecclésiastiques cherchant à obtenir la confirmation de leurs charges et privilèges à Rome, ambassadeurs de diverses principautés, princes de toutes origines désirant obtenir l’appui du pape, négociants chargés de marchandises diverses, parfois venues de loin.

La Commune d'Avignon

 

La dynastie fondée par Boson d'Arles s’est divisée et au début du XIIème siècle la Provence appartient à trois familles : le comte de Barcelone, le comte de Toulouse et le comte de Forcalquier. Avignon se trouvant à l'intersection des trois comtés et aucun ne voulant la partager, se trouve indivise. La prospérité  d'Avignon devient un enjeu dans la rivalité qui oppose les maisons de Toulouse et de Barcelone. Guillaume III, le comte de Forcalquier, tenu à l'écart, favorise le désir d'émancipation de l'évêque et des chevaliers. Juste avant sa mort en 1129 il remet à l'évêque, aux chevaliers et aux prud'hommes d'Avignon, « pouvoir, juridiction et seigneurie ».  Avignon libéré de l’autorité du comte s'érige en commune,  ce que confirmera l'empereur Frédéric Barberousse, car elle fait en même temps partie du Saint Empire.

Frédéric Barberousse

La commune d’Avignon, qui s’était opposée aux prérogatives de Guillem et des évêques, avait commencé à prendre forme avec le proconsul Béranger. Dans les années 1130-1140, la ville se dote d’institutions politiques. L'évêque préside, mais l'autorité appartient aux huit consuls, soit quatre chevaliers et quatre prud'hommes, élus pour un an et secondés par des juges et des maîtres des rues. Lors des décisions d'importance, on convoque le peuple au pied de l'escalier sainte Anne, Les consuls seront remplacés vers 1225 par un podestat, magistrat étranger à la cité appelé pour gouverner et la représenter pendant une période donnée.

Sceau de la Commune d'Avignon

La maison communale (future vice-gérence)  est élevée au sommet d’un piton rocheux pour abriter le gouvernement communal, affirmant la volonté  des citoyens de montrer leur pouvoir et leur indépendance face à l’évêque. Commerciale et cosmopolite, Avignon est alors une des villes les plus puissantes du Midi. Protégée par sa double enceinte, son pont assure sa renommée et lui assure une source de revenu considérable. Elle fait donc partie du saint Empire mais appartient au comte de Toulouse, Raymond VII.

Sceau de Raymond VII de Toulouse, 1241

La place de la religion chrétienne est primordiale. L’Église régit la vie des laïcs comme des ecclésiastiques. Le clergé séculier, « dans le siècle », s’occupe des paroisses et célèbre les messes. Le clergé régulier, qui suit une règle monastique, s’était établi traditionnellement plutôt à l’écart de la société. A partir du XIIIème siècle, les ordres mendiants – Franciscains, Dominicains, Carmes et Ermites de saint Augustin – qui vivent de la charité et se consacrent aux pauvres et à la prédication, s’installeront dans les villes et feront construire couvents et églises, dont Avignon va bientôt se couvrir.

Le siège d’Avignon de 1226

 

Le conflit entre Raymond VII, comte de Toulouse et le roi de France Louis VIII va pourtant mettre à mal cette prospérité et cette indépendance politique.

La commune d'Avignon a pris le parti du comte de Toulouse, son protecteur, lorsque le concile de Latran le dépossède de nombreuses terres, et gagne contre Guillaume II d'Orange qui voulait s'approprier le Comtat Venaissin. Elle reçoit en remerciement Caumont, Le Thor, Thouzon, Jonquerette, puis, en remboursement d'un prêt, tout le Comtat, les châteaux de Malaucène et de Beaucaire. Avignon, alors à l'apogée de sa réussite, se comporte en véritable puissance régionale et se croit même capable de résister au roi de France.

Jean du Tillet - Recueil des rois de France - XVIème siècle - Louis VIII

Louis VIII le Lion poursuivant la lutte contre l’hérésie albigeoise commencée par son père Philippe Auguste, descend la vallée du Rhône avec une forte armée. Or les Avignonnais, craignant les exactions des soldats, ferment les portes de la ville. Le siège va durer trois mois, très meurtrier. Les Avignonnais affamés se rendent quelques jours seulement avant qu'une crue du Rhône inonde les positions où se tenait l’armée royale, ce qui aurait entraîné son repli. Le 12 septembre 1226, Louis VIII entre victorieux dans la ville. Avignon est condamnée à abattre ses remparts et le pont, à céder Beaucaire au domaine royal, à payer 6000 marcs d’argent au roi et 1000 à l’Eglise. Louis VIII en profite pour faire bâtir la forteresse de Villeneuve.

 

En outre, le cardinal de Saint-Ange, légat du pape, impose aux Avignonnais de ne plus aider le comte de Toulouse, de combattre les hérétiques, de ne plus élire de consuls ou de podestat et de s’en remettre à l’évêque rétabli dans ses biens et dans ses droits, d’abattre les trois cents maisons fortes avec leurs tours et de financer la croisade.
 

Le siège d'Avignon

 Avignon est ruinée et la puissance de la commune anéantie. C’est de cette époque que date la création de la confrérie des Pénitents gris, faisant suite à la procession expiatoire à laquelle aurait participé le roi en personne (ce qui est peu probable). Toujours est-il que Louis VIII meurt de dysenterie au cours de son retour.

 

Frédéric II en profite pour demander au pape Grégoire IX de lui rendre Avignon et toutes les villes du royaume d’Arles, qui se trouve alors rattaché à ce qui deviendra au fil du temps le « Saint Empire romain germanique».   

Soumission d'Avignon à Louis VIII

Cependant le pape ne restitue pas le Comtat Venaissin confisqué, entre autres, à Raymond de Toulouse et nomme un légat pour s’en occuper. Mais Barral des Baux, sénéchal du comte de Toulouse, reprend par les armes toutes les villes du Comtat et le gère bien qu’il ait été excommunié (et le sera de nouveau à maintes reprises).

Deniers frappés pour Barral des Baux

Barral des Baux va devenir tout-puissant dans le Comté Venaissin, et n’a que faire des excommunications répétées par Grégoire IX à son encontre, continuant au contraire et sans relâche la lutte contre les prétentions du pape. En 1243, ce dernier restitue le Comtat au comte de Toulouse tout en menant la guerre contre Frédéric II, dont il finit par prononcer la déchéance et l’excommunication.

Charles d’Anjou, frère du roi Louis IX (Saint Louis) devient comte de Provence, ce qui soulève l’opposition d’une partie de la Provence. Barral des Baux est nommé podestat d’Avignon, qui signe un traité d’entraide commerciale et militaire avec Arles et Marseille. L’évêque Zoen Tencarari est chassé et le pape excommunie toute la commune, dont les membres, poussés par un mouvement populaire anticlérical, s’emparent du palais épiscopal, avec ses réserves de vin et de blé, et imposent leur présence lors des procédures d’inquisition.

Quand Saint Louis lance sa croisade de 1248, son armée de 25000 hommes et quelques 9000 chevaux campe sous les remparts au grand dam des Avignonnais. Des échauffourées ont lieu mais le roi poursuit sa route vers Marseille avec Charles d’Anjou. Barral des Baux, à la tête du parti anticlérical et anti-français, en profite pour fomenter une révolte en Provence et agrandir son propre domaine.

 

L’Eglise réagit et Avignon est accusée de troubler les fonctions sacerdotales des prêtres. Le peuple ne cède en rien et refuse de payer les dîmes.

Embarquement pour la croisade de saint Louis - Miniature du XIIIème siècle

Raymond VII de Toulouse meurt en 1249, et avec lui la Maison de Toulouse. Malgré son testament en faveur de sa fille Cécile, épouse de Barral des Baux, tous ses biens reviennent à Alphonse de Poitiers, frère du roi et mari de son autre fille Jeanne, tous deux partis en croisade à la suite de Saint Louis. La régente Blanche de Castille tente aussitôt d’occuper ces terres mais le pape les revendique. Barral décide en apparence de se soumettre au roi.

Frédéric II meurt en 1250 et l’Empire s’effondre. Les frères du roi rentrent de croisade avec la mission de mettre fin aux révoltes provençales. Barral des Baux prépare Arles et Avignon à la lutte. Le pape essaie de calmer les esprits et morigène Avignon et son podestat : « La dureté de votre cœur, votre éloignement de l’Eglise et votre fourberie nous indisposent grandement… nous endurcissent très justement à l’égard de votre cité … Nous ne pouvons pas nous dépouiller de notre amour paternel et vous oublier complètement … Nous savons que vous êtes tourmentés au dedans et au dehors, que vous avez perdu tout repos »

 

Se sentant trop menacé, Barral cède et Avignon se soumet à Charles Ier d’Anjou, qui sera aussi couronné roi de Sicile en 1265. Avignon perd toute son autonomie politique et c’est un vicarius (viguier) imposé par le prince qui remplace le podestat.

Arnolfo di Cambio - 1277 Charles Ier d'Anjou

Barral des Baux meurt en 1268 et est enterré à l’abbaye de Silvacane. Saint Louis et ses frères meurent en 1270 et 1271 et le Comtat est intégré de force au royaume de France, puis, sous Philippe le Hardi, revient en possession du pape au cours d’une cérémonie solennelle.

 

Avignon reste sous la tutelle du roi de France, qui la cède au comte de Provence, roi de Naples. C’est donc dans une ville sous la domination des rois angevins de Naples, alliés de la papauté, que vont s’établir progressivement les papes français du XIVème siècle.

 

En 1348 la reine Jeanne de Naples vendra Avignon au pape Clément VI pour 80 000 florins.

Bibliographie

Jean Gallian – Barral des Baux - http://jean.gallian.free.fr/

Nicolas Leroy -  L’exemple d’une ville au pouvoir judiciaire souverain : Avignon au XIIe siècle - Annales du Midi : revue archéologique, histoire et philologique de la France méridionale

Recueil Données Historiques12-06-2007 

Simone Balossino -  Le pont d’Avignon  Une société de bâtisseurs (XIIe-XVe siècle) Éditions Universitaires d’Avignon

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